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Quand la caravane passe ... Avril 1986

samedi 6 mars 2010, par bc

A l’heure ou l’Office Socio Culturel Rennais s’apprête à prendre en charge l’opération de création d’un centre de communication et de proposer aux associations qui oeuvrent dejà dans cette voie une collaboration à cette action lourde, il est intéressant de faire un bilan provisoire de l’action X2000 qui s’est engagée de la même façon il y a un an.

A l’origine, le C.C.S.T.I. a eu l’initiative de créer un centre X2000 sur Rennes avec pour partenaires l’O.S.C.R., l’U.L.M.J.C., SIC formation et le CATEN. Cette mise en oeuvre a donné lieu à une grande publicité et une distribution de subventions confortables dont profita en priorité le pôle central de la Maison du Champ de Mars gêré par l’O.S.C.R.

En 1982, une demande de subvention d’un montant de 100KF avait été déposée par l’association Microtel et était restée sans réponse. Lors de la commission financière du 22/04/85, j’exposai ces faits ainsi que l’énorme différence de subventionnement entre ces deux organismes : 200.000F pour X2000 contre 2000F pour Microtel, alors que l’action menée était similaire puisque dans le même laps de temps de six mois, ces deux associations avaient fait environ 2000 heures de formation. Les responsables du pôle central X2000 m’avouèrent leur totale incompétence dans le domaine de l’informatique, mais m’annoncèrent qu’ils essaieraient éventuellement de mettre sur pied une collaboration avec d’autres associations. Je n’eus ensuite plus aucune nouvelle de cette collaboration et mes autres interventions lors des commission financières restèrent vaines, même celle ou je m’opposai à l’attribution d’une subvention de 31.500F pour la formation des TUC alors que Microtel proposait d’effectuer cette formation sans subvention.

Dans une lettre du 10/03/86 adressée à la fondation X2000, la Ville de Rennes demande que le représentant officiel de X2000 pour Rennes ne soit plus le C.C.S.T.I. mais l’O.S.C.R. Elle n’envisage pas de collaboration avec d’autres structures et annonce des actions directement concurrentes avec le secteur professionnel. Il semble que cette lettre ait été envoyée sans consulter les partenaires engagés dans l’opération X2000 à Rennes.Il est surprenant de constater que c’est la municipalité qui décide pour les associations de l’orientation qu’elles doivent prendre. Cela pose le problème de l’indépendance des associations.

Quelques exemples montrent bien certaines incohérences dans l’action menée par X2000 :-Est-il sérieux d’annoncer une approche de la Conception Assistée par Ordinateur dans un stage de 20 heures de formation TUC comme dans le descriptif de la formation du 17/06/85 ?-Dans plusieurs publications, j’ai noté toute la publicité faite par X2000 pôle central sur la robotique alors qu’en fait il ne s’agit que d’une initiation sur Microbox.-Lors de l’assemblée constitutive de l’association ARETIAH en novembre 1985, j’ai eu la surprise d’entendre les représentants de X2000 annoncer un service de messagerie télématique qui n’existe toujours pas alors que Microtel avait depuis un mois déjà un serveur Videotex grand public sur le réseau télématique professionnel TELETEL 2.

Ces quelques exemples qui ne constituent pas une liste exhaustive montrent bien les erreurs dues au lancement d’une opération sans réflexion préalable sur l’action réelle à mener et les objectifs concrets à atteindre. Est-ce que l’informatique associative doit se limiter à employer quelques mots savants pour faire rêver le public,ou doit elle avoir comme objectif une réelle formation des personnes intéressées par les stages proposés ?

Il faut toutefois admettre que la qualité des formations X2000 s’est améliorée, mais à quel prix ! Il serait édifiant de calculer le coût pour la collectivité de l’heure de formation par rapport à d’autres associations.Il faudrait cependant faire vite, car on n’aura bientôt plus de comparaison possible, puisque X2000 aura sans doute prochainement le monopole des formations en micro-informatique sur Rennes, ses actions s’étendant même au secteur commercial comme l’indiquent les derniers compte-rendus sur ses activités.

Ce ne sont pas quelques aboiements qui modifieront la trajectoire prise par X2000 à Rennes depuis sa création, mais il serait peut être utile d’en tenir compte et d’extrapoler cette experience à celle prochaine du centre de communication...

Les associations dont l’activité est recouverte par le futur centre de communication risquent de n’avoir pour seul choix :-Soit de participer à l’action motrice de l’O.S.C.R. avant de faire partie des ’wagons’.-Soit d’essayer de garder leur autonomie au risque d’être rapidement éliminé par un organisme gêré indirectement par la municipalité, qui monopolisera les ressouces allouées à ce secteur.Il reste bien peu de place pour une ’saine émulation’ entre associations d’un même secteur d’activité.Ces associations doivent choisir, comme pour l’informatique entre s’allier ou disparaitre.

Cette dernière remarque pourrait d’ailleurs s’appliquer à l’ensemble de la vie associative...

L’O.S.C.R. qui était à l’origine une ’interface’ entre la municipalité et les associations se transforme de plus en plus en un organisme distribuant l’aumône aux petites associations, alors que les gros organismes sont en ’ligne directe’ avec la ville.

Le critère de performance d’une association n’est plus défini en fonction de ses réalisations mais par rapport à son bilan financier. On assiste ainsi à un alourdissement des structures des associations qui n’ont plus qu’un rapport lointain avec les objectifs premiers des associations de type Loi 1901, basées sur le bénévolat et l’action libérée des contraintes économiques. La différence entre certaines associations et des entreprises du secteur économique devient de plus en plus floue, si ce ne sont les avantages fiscaux qu’elles retirent de leur statut. Pour être reconnu, à l’heure actuelle, il faut une structure lourde avec beaucoup de permanents, et cette tendance est favorisée par le fait qu’il faut ’créer des emplois’. Mais ces emplois créés ne constituent-ils pas un péril pour certaines entreprises ? Une bonne partie des emplois créés dans la vie associative risquent en fait de n’être qu’un transfert de salariés du secteur économique vers le secteur associatif.

L’image de marque de l’association 1901 est en train de perdre ce que des millions de bénévoles y ont apporté : la spontanéité et une certaine forme d’altruisme. La société ne perdrait-elle pas un de ses moteurs les plus performants pour suivre la marche du progrès économique et social ? En effet, le monde associatif est certainement celui ou la communication est la plus libre, et donc ou le transfert des idées nouvelles se fait le plus rapidement.

Au lieu de chercher à tout prix à créer des emplois, il serait peut être utile de refléchir à une société ou l’idée de ’gagner sa vie ’ aura disparu comme le laisse présager la formidable mutation des modes de production et de gestion vers l’automatisation et l’accroissement des rendements. Pourquoi ne pas chercher à améliorer l’insertion dans la collectivité de toutes ces personnes rejetées par la société de compétition que sont notamment les jeunes et les retraités ?Les idées existent déjà, il suffit de les appliquer et de chercher à les améliorer. TUC, V.F.I.,actions bénévoles de retraités et ressource minimale garantie appelée improprement ’SMIC social’ sont autant de pistes plus interessantes à suivre qu’un hypothétique ’plein emploi’ qui ne fait même plus rêver les non-productifs.L’homme est-il forcément fait pour le travail ?Il est grand temps de proposer plusieurs réponses à cette question avant que les problèmes existentiels des ’non productifs’ ne poussent ceux-ci au suicide ou a la révolte.

Rennes le 20/04/86 Bernard COUAPELPrésident régional Microtel

Pétard.

Mais ou et donc X2000 ? Telle est l’interrogation sur cet organisme puisque la question ’le but de X2000 est-il lucratif ou non ?’, posée par un président d’association lors de la dernière assemblée générale de l’Office Social et Culturel Rennais est restée sans réponse.Cela n’est d’ailleurs pas étonnant puisque X2000, plus de deux ans après sa création, n’a toujours pas de statut juridique.

Officiellement, X2000 est lié à l’O.S.C.R., ce qui peut sembler étranger aux attributions de l’Office Social et Culturel Rennais.Car si on nomme cette structure OSCR.X2000, pourquoi pas un OSCR.X2000.ASSOCIATEL dans l’éventualité de la création d’un serveur vidéotex pour les associations ?Cette présentation, si elle prouve que les responsables de l’OSCR se sont rapidement formés aux structures de données du langage de programmation PASCAL, n’en reste pas moins incompatible avec les buts de l’OSCR qui devrait plus être un lieu de rencontre et de décision pour les associations rennaises qu’un organisme dirigiste intégré à la structure administrative.

Le statut de X2000 peut être de trois types :- Association type 1901, ouverte au public et faisant de l’informatique associative.- SARL de formation à l’informatique pour entreprises du secteur privé.- Intégration dans les services administratifs pour le travail avec les collectivités locales.

Selon les cas X2000 sera considéré comme ayant fait une concurrence ’déloyale’ à d’autres entreprises, ou profité d’une aide que d’autres associations n’ont pas reçue.Mais on pourra aussi considérer que cette phase transitoire était le meilleur moyen garder une marge de manoeuvre pour adapter X2000 aux besoins de son public.En tout cas, on attend une décision sur ornicar ...

Was ist nun mit der FF100.000 Subvention, die Microtel schon vor sechs Jahren gefordet hat ?L’association Microtel aurait-elle la ’spélouche’ ou en quelle langue doit-elle demander une aide à la municipalité pour avoir une chance d’obtenir satisfaction ?

Ce ne peut pourtant pas être un problème de finances puisque la ville championne de France pour les impôts locaux peut se permettre d’entretenir une danseuse en la personne du stade rennais dont le théâtre est certainement le plus beau stade de seconde division, pendant que la nouvelle équipe de football américain ’les Gladiateurs’ est déjà championne d’Ille et Vilaine sans avoir coûté un sou au contribuable. Cet acharnement financier pour le ballon rond n’est-il pas la négation des jeunes et moins jeunes qui s’intéressent à la musique, parmi lesquels 35.OOO étudiants pendant la période scolaire ?

La ville de Rennes va-t-elle enfin exaucer le voeu qu’expriment à pleins poumons pendant leurs transes les artistes et leur public, de créer une grande salle de concert qui remplacerait avantageusement la salle omnisports dont l’acoustique a fait dire à certains chanteurs que Rennes n’est pas aidée comme ville Rock ?Nul doute que sa réalisation serait rapidement rentabilisée, à moins qu’un tel projet ne soit trop ambitieux pour la capitale d’une région qui visite son ancien parlement en entrant par les écuries, le grand escalier du parlement breton ayant été détruit par la France, jugeant cette architecture trop prétentieuse pour une région annexée...

En tout cas, les danseuses d’Edmond qui jouent en rouge et noir feraient bien d’écouter la chanson du même titre, mais pas après le match, avant ! Allez Rennes.

Mais ces revendications sont bien futiles quand on assiste à la misère grandissante de cette fin du vingtième siècle où même dans une technopole à la pointe du progrès technique, quatre à cinq pour cent de la population dépendent des associations caritatives.

Certes, le public se mobilise pour soutenir les oeuvres humanitaires et même la municipalité subventionne certains organismes lorsqu’elle ne reprend pas de la main droite ce qu’elle a donné de la main gauche...

Cependant comment ne pas être choqué lorsque l’on sait tout le gâchis de nourriture qui est quotidiennement jeté aux ordures par les restaurants collectifs de tous horizons et dont certains responsables affirment sans sourcilier qu’ils n’ont pas de pertes, et que l’on découvre la foule parquée dans le matin glacial d’un vingt quatre décembre, attendant debout trois heures devant le Resto du Coeur de recevoir cinq pommes de terre, un carré de poisson surgelé, une pomme et un yaourt... Joyeux Noël ! Quand le législateur se décidera-t-il enfin à voter une loi sanctionnant ce délit contre l’Humanité que constitue la destruction de nourriture encore consommable ?On pourrait fixer le seuil à trente kilos, puisque c’est à peu près la quantité minimale consommée par un humain pendant le temps que met un être du tiers monde à crever de faim.Ce délit qui deviendrait un crime si le tiers monde était peuplé d’humains est malheureusement dû à l’hypocrisie d’une société strictement réglementée dont le Taylorisme silencieux en ce domaine fait penser à la période plus bruyante où, en Europe, on portait des étoiles jaunes...Depuis l’intendant plongé dans ses livres jusqu’à l’employé qui transporte, en passant par le public qui oublie de faire des pétitions et les services d’hygiène qui ne comprennent pas qu’un minimum d’organisation permettrait de distribuer ces surplus dans l’heure qui suit, tout se passe en douceur.

Que d’argent public pourrait être économisé par un simple coup de téléphone et un peu de bonne volonté !

Mais un tel recyclage ne porterait-il pas atteinte au folklore que représente un mendiant dans la rue ou un clochard qui fait les poubelles pour survivre ?Attention, car si la minorité des exclus augmente, on pourrait bientôt les voir déguisés en éboueurs pour récupérer la nourriture ou bien vider les poubelles sur la rue pour faire honte à certains établissements, avant que poussés par le slogan ’leur morale et la nôtre’, ils ne commencent à lever le poing ou le bras droit... Les anciens militants de Mai 68, qui regardent avec une mélancolie souriante leurs enfants défiler dans la rue, et qui ont maintenant le pouvoir d’agir puisqu’ils tiennent les rênes de la société, ont-ils pensé à la révision des droits de l’Homme qui s’impose à la veille de leur bicentenaire ? Au moins autant que le travail qui n’est plus un droit, la nourriture et la santé ont aussi une place explicite dans la grande charte.

Après les maisons closes, du peuple et de la Kültüre, pourquoi ne pas édifier des maisons des droits de l’Homme où l’on distribuerait nourriture et soins médicaux aux plus défavorisés ?Un contrôle des ressources serait mis en place afin d’éviter les abus.

Une action concertée entre organisations sans frontières d’architectes, de bâtisseurs, médecins et autres restaurants du coeur permettrait de concrétiser un tel projet. Ce serait un plus à la solidarité sociale en France mais aussi, grâce à la réalisation d’un ensemble adapté aux différents matériaux de construction des pays du tiers monde, la possibilité d’exporter la générosité de certaines grandes idées de la Révolution française, au lieu de tomber dans des festivités nombrilistes qui ne profiteront qu’aux organisations du foie.

Car les grandes idées n’ont de valeur que par la conscience qui les soutient tout comme la valeur d’un peuple n’est garantie que partiellement par son Histoire, son présent devenant le passé de son futur.

Alors, comment les veaux du Général de Gaulle, qui se disent les plus intelligents du monde, vont-ils porter dans l’urne leur suffrage du vingtième anniversaire de 1968 ?

Sera-ce en pleine conscience mûrie par une réflexion sur leurs aspirations et débouchant sur le partage du calumet d’un choeur fraternel, après l’affrontement démocratique des idées, ou bien comme des illettrés, un papier d’une couleur dictée à coup de promesses ou de pompe dans le train, ou encore le choix du hasard, en espérant ou non tomber sur une case inoffensive du barillet de la politique ?

Rennes, Janvier 1988 Bernard COUAPEL.

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